L'Édition au temps du covid 19

L'épidémie, les confinements et les restrictions ont frappé de plein fouet le monde de la librairie et de l'édition. On peut s'attendre en 2021-2022 à une série de disparitions ou de redéfinitions douloureuses des périmètres et des pratiques.

 

Les libraires et le coronavirus

 

La fermeture des librairies durant deux mois au printemps et un bon mois en automne a considérablement fragilisé les petits points de vente, ceux qui ont fermé boutique le temps du confinement sans être présents sur internet (« clique & collecte ») et les réseaux sociaux. Malgré les aides (insuffisantes) de l’État, des faillites et des fermetures anticipées vont intervenir surtout si les périodes de confinement se poursuivent en 2021.

Les résilientes devraient souffrir d'une baisse de leur clientèle au profit des sites de vente par correspondance (Amazon, Fnac, …) sans que cela menace à court terme leur intégrité.

Les libraires-papeteries pourraient perdre plus et pendant plus longtemps car en plus du livre, la papeterie se déportera sur les grandes surfaces. Une partie de leur clientèle habituelle pourrait basculer sur les grands sites marchands.

Amazon, qui a été le grand gagnant de cette pandémie en 2020, risque d'être le fossoyeur en 2021-2022 de tout un pan de la librairie française de proximité.

L'édition régionale et les auteurs locaux (essentiellement autoédités), en seront les premières victimes collatérales. Car ce n'est pas parce que les plateformes mettent un livre à l'achat sur leur site qu'il continue à se vendre lorsque l'activisme relationnel de l'auteur sera essoufflé.

 

L'édition et le coronavirus

 

En 2021, l'édition française s’attend à une nouvelle baisse des ventes modérée en 2021. Après avoir tablé sur un recul de 25%, l'année 2020 limite la casse au second semestre : 5 % de pertes mais avec des disparités selon les secteurs.

 

Chez les éditeurs professionnels  

L'annonce du premier confinement a fait fortement réagir les éditeurs. Ils durent réorganiser leurs équipes et leurs méthodes, différer les parutions, y compris celles qui étaient dans les tuyaux de sorties et jouer la prudence en se concentrant sur les valeurs sûres, les auteurs « maison ». Ainsi, début avril 2020, Gallimard annonçait qu'il ne publierait aucun nouvel auteur afin de se consacrer aux valeurs sûres et à des projets de livres arrêtés en fin 2019. Autres exemples : Le Masque publiait 45 titres par an (Audace 2013). Il était ensuite monté jusqu'à la cinquantaine. Est-ce l'effet covid ou la prudence, toujours est-il qu'il a baissé sa production annuelle autour de 40 d'ouvrages. Fin 2020, Fayard (c'est à dire Fayard, Mazarine, Pauvert, 1001 Nuit, Pluriel) déclarait n'être « plus en mesure de prendre en charge les manuscrits ». Cette annonce était toujours présente sur leur site début 2021 et Gallimard – complètement engorgé par l'ouverture récente aux envois électroniques – leur emboîtait le pas.

Maints grands éditeurs qui ne sont pas en trop grandes difficultés réagissent comme Gallimard, Le Masque et Fayard. Ils font le dos rond et misent sur les valeurs sûres. Dès lors, sale temps pour les premiers romans, les nouveaux auteurs et les anciens dont les chiffres de ventes stagnent.

 

Chez les éditeurs régionaux

La fermeture des librairies met l'édition régionale en grandes difficultés. Généralement, ces éditeurs s'appuient sur un réseau local de librairies et maisons de la presse. Les ventes directes par internet et Amazon constituent un appoint nécessaire bien qu'insuffisant. Les difficultés, si elles ne sont pas mortelles, entraînent, comme chez les nationaux, une réduction des publications ou, pour certains, la tentation de solliciter financièrement certains auteurs. Bonjour les Comptes d'auteur abusifs.

 

Chez les petits éditeurs

Les maisons publiant régulièrement 10 à 12 titres par an et s'appuyant sur une diffusion-distribution nationale efficace rencontrent les mêmes difficultés que les pros du secteur. Les plus fragiles fermeront, les autres publieront un peu moins en limitant les risques.

La pandémie épargnera les petits éditeurs de « pure littérature et poésie ». Leurs  structures associatives modestes et leurs micro-circuits de diffusion autonomes les mettent à l’abri des grosses  turbulence financières.

Chez les grapilleurs

La baisse des publications chez les éditeurs normaux laisse les auteurs inconnus/débutants démunis. A moins d'opter pour l'autoédition, ils n'ont pas d'autre solution que l'édition à compte d'auteur ou à C/E limite (voir les contrats à compte d'éditeur limite puis les contrats à compte d'auteur). A part la fabrication d'un ouvrage, sa publication en ligne et sa fabrication physique au compte-gouttes (tirage à la demande), ces commerçants ne font pas grand-chose (voir les articles Cacardages Edition) pour le livre et son auteur. Comme les sommes exigées sont relativement modestes, les écrivains mécontents ont du mal à se retourner devant les tribunaux. Pour ces prestataires de l'édition, le Covid 19 n'a pas que des inconvénients. La période actuelle a deux effets positifs, particulièrement pour les éditeurs les plus indélicats :

- plus de personnes se sont lancées, en 2020, dans l'écriture comme dérivatif du confinement ;
- l'édition traditionnelle réduit sa voilure et surtout hésite à prendre le risque de la découverte d'un auteur en devenir.

L'époque n'est pas rose pour qui se targue de vouloir publier son livre. Difficile de blâmer les nouveaux écrivains qui recourent à ces expédients. Tout ce qu'on peut leur conseiller, c'est la plus grande prudence, ne pas céder trop facilement à la première sirène rencontrée. Qu'ils n'hésitent pas à consulter les pages de notre site, notre guide Audace et de voir ce que l'on dit de leur éditeur sur les réseaux sociaux et les forums.

  

© loieplate -  Avril 2021

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